L’art, le geste de création artistique et toute œuvre d’art sont avant tout pour moi un espace de rencontre. Rencontre d’une vision du monde commune, singulière ou profondément imaginaire, rencontre qui questionne et ouvre sur d’autres possibles que tout un chacun peut explorer. L’art communautaire m’a appris cette chose: on n’est pas là pour admirer, on est là pour vivre. L’expérience artistique a donc pour moi préséance sur le rayonnement du résultat, ce qui n’empêche en rien la recherche d’esthétisme et d’excellence.
Les livres et l’écriture ont été mon premier refuge face au monde, dans lequel je me suis façonnée, construite. La littérature structure et transforme n’importe qui qui s’y adonne. La poésie est par essence une liberté qu’on prend avec le langage et qui permet de s’approprier le monde et d’y laisser sa trace, d’y prendre sa place, d’effectuer des passages, de bouleverser le monde, les autres. Forger et se forger. Si on pense la littérature comme une activité intellectuelle, elle est tout autant physique, affective, spirituelle.
La performance, forme scénique de la prise de parole écrite toute habitée d’urgence et de désir de communiquer , de rejoindre, de toucher, voire de communier – et qui influence grandement l’écriture vers l’oralité, a été un lieu d’épanouissement pour ma démarche artistique, tant pour ma création que pour mon désir d’entendre et de réunir. Par des improvisation en forme de transes poétiques comme sur des scènes slam, espace commun et participatif par excellence, j’aime autant me mettre à risque en prenant le micro qu’organiser les soirées et les spectacles qui réunissent une grande diversité de voix comme avec Slam Session Montréal ou Des Filles qui ont de la gueule.
Dans cet esprit de rencontre et de transformation, ma démarche s’inscrit dans la présence. Faire entendre une voix dans l’écrit, s’y jeter entièrement, oser livrer et faire entendre ses mots sur scène, entière. Habiter ou accueillir par la vision poétique. Une présence qui fait place à l’autre, une présence en écoute et en sensibilité. Une présence qui se veut entraîneuse, dans tous les sens du terme, initiatrice, invocatrice. Dans mes créations tout comme dans l’accompagnement du geste d’écriture ou de performance, cette présence est la même.
J’ai un goût particulier pour le brut, le sauvage, les paroles sauvages, les actes en marge, les anonymes, pour l’émergence de forces de vie, pour ce et ceux que l’on refuse généralement de voir et d’entendre, et qui pourtant, sont aussi le monde dans lequel nous vivons. Le vivre-ensemble est au coeur de mes préoccupations, et le croisement de savoirs et la réflexion commune me semblent des outils essentiels pour réfléchir le monde.
J’aime penser, j’aime la pensée, son déploiement.
Je suis à la fois solitaire et rassembleuse.